L’apothéose.
C’est la notre.
Nous sommes dans le sud de la France quand les portes du centre Porsche s’ouvrent et notre GT3 voit pour la première fois le soleil. Je m’installe dans le cockpit couvert de cuir et d’alcantara et mets de suite ‘Paris’ comme destination dans le GPS. Certains d’entre vous doivent se demander pourquoi nous ne sommes pas déjà à Paris ? Car cette GT3, est notre GT3 et nous venons d’en prendre livraison dans le sud. Oui écrire ces lignes semble irréel et pourtant je vais passer les 6 prochaines heures sur l’autoroute avec cette fabuleuse machine.
A la croisée des mondes
Les instructions du vendeur furent claires “pour les mille premiers kilomètres soyez responsable, pas plus de quatre ou cinq-mille tours !” Alors quand je rentre sur l’autoroute je suis les recommandations au pied de la lettre, et même sans dépasser les 4000 tr/min, lorsque les clapets d’échappement s’ouvrent, c’est une symphonie. Aux 130 kilomètres heures réglementaires, la GT3 ne fait pas ressentir ses gènes issues de la course, elle paraît très civilisée. Malgré la présence de l’aileron à l’arrière, ce dernier ne bloque pas la vue et le pilier A et B est simplement celui d’une 911 plus classique. Certes les sièges baquets sont plus durs que les sièges Sport Plus, mais ils ne sont pas inconfortables et envisager un long périple semble raisonnable. Le coffre à l’avant est assez spartiate avec ces 132 litres, mais la disparitions des sièges arrière permet d’y loger des sacs ou des valises, à condition de ne pas opter pour l’arceau, comme nous l’avons fait.
Perchée sur le très long 7è rapport, on arrive tout de même à distinguer un grondement constant venant derrière nous. Les vibrations sont notamment très présentes lors des mises en vitesse sur un rapport assez haut ou le Flat-6, comme tout bon moteur atmosphérique, en plus taillé pour la piste, manque de couple à bas régime. Mais le plus plaisant reste l’environnement Porsche, cela rime avec une finition intérieur parfaite, pas un claquement, des fonctions faciles d’accès, un système d’info-divertissement moderne, des matériaux de qualité, des rangements… quelque chose de très Allemand en somme. Si on résume pour le moment, excepté les sièges baquets, l’arceau, l’aileron se dressant de le rétro et les douces vocalises du moteur, il n’y a rien d’alien dans cette nouvelle GT3. En approchant de Paris on se retrouve dans nos premiers bouchons, en surprend même la 911 à utiliser son start and stop, son moteur ne chauffe pas et la boîte PDK (Porsche Doppelkupplung pour Porsche Double Embrayage) se révèle comme à son habitude, vive dans ces changements de rapport et douce dans les passages.
En arrivant dans Paris, et ses routes déformées, la GT3 se montre docile mais la suspension assez dure trahit ses véritables intentions, que je pourrai découvrir seulement dans 100 kilomètres, lorsque l’odomètre affichera “1000”. Pour le moment, je me réjouis des mises en vitesse jusqu’à 50 km/h sur grands boulevards de notre belle capitale, ou je peux juste profiter des premiers 4000 tr/min. Bientôt je verrai cette aiguille blanche plongée vers le néant de ce compte tour central, tapant les 9000 tr/min. Je ne peux plus attendre. Alors vite, le week-end, afin de sortir au plus vite de Paris pour accomplir ce devoir, celui de finir le rodage du meilleur moteur de la production actuelle.
Féerique
Le reste de la semaine, la GT3 est restée dans mon parking, je suis bien passé après le travail, le jeudi soir, pour voir si cela n’était pas un rêve, et elle était bien là. Pour le moment, j’avais troqué la 911 pour le métro, bien plus rapide pour arpenter la capitale et ne pouvais attendre samedi matin. Entre deux réunions, j’ouvrais l’application “Photos” sur mon smartphone pour me remémorer mes 800 premiers kilomètres au volant de la GT3. J’allais pouvoir profiter des 510 ch et 470 Nm à 6250 tr/min produits par ce fabuleux 4,0 litres (3 996 cc), sobrement nommé MA2.75. L’un des chiffres les plus impressionnant, et peu médiatisé de ce moteur est le ratio de compression de 13,3:1, un chiffre presque inimaginable il y a quelques années sur une voiture de route tant le stress mécanique infligé par un tel ratio rimait avec une fiabilité aléatoire. Mais Porsche peut se targuer de faire des choses que les autres constructeurs ne peuvent pas, en effet, les magiciens de Stuttgart semblent être capables de contourner tous les aléas mécaniques.
La samedi matin, le réveil sonne à 6h15, j’enfile une veste et me retrouve très rapidement dehors afin de marcher en direction du dortoir de la GT3. Un tour de clef et le flat-6 plonge le parking dans le grondement de son démarrage à froid, tout semblait plus calme il y a quelques secondes. Quelques minutes plus tard, le museau passe la barrière et je me mets en direction du périphérique. Même sur le quais à basse vitesse, la jante fine du volant en alcantara glisse dans mes mains, le train avant précis répondant presque instinctivement à mes inputs. On se surprend, comme sur l’A110, à éviter les plaques d’égouts et les trous de la route, tant on se sent comme porté par ce châssis, en faisant des grandes amplitudes afin de sentir au mieux la voiture et son comportement. Quelques minutes après et l’autoroute vide s’ouvre à moi, alors je reste sage, régulateur à la limitation de vitesse pour atteindre la barre des 1000 km.
996, 997, 998, 999, le but semble tout près, alors je commence à ralentir afin de profiter de la première accélération. Ca y est, l’odomètre affiche 1000, alors je commence la procédure. J’enlève le régulateur, passe la PDK sur la gauche afin d’enclencher le mode manuel, presse le bouton libérant les clapets de l’échappement et celui de mode “Sport Plus”. Tombe, la 7, la 6, la 5, la 4 et la 3 pour me retrouver en seconde à 5000 tr/min. Un petit souffle et j’enfonce l’accélérateur, le moteur monte en régime et le son envahit la cabine. De 5000 à 7000 on sent que quelque chose se passe, de 7000 à 8000 on se retrouve déjà dans la royauté mécanique, dans n’importe quelle autre voiture de sport il serait temps de tirer la palette, de 8000 à 8500 tout semble aller trop vite, les vibrations ont envahi mon corps et ma cage thoracique résonne et de 8500 à 9000 c’est l’apothéose, le moteur change de ton, et semble avoir pris 3000 tours en plus en hurlant, alors je tire, afin la palette, et fait le même processus pour la 3è, la 4è et la 5è avant de sauter sur les freins. “Wao, c’est donc ça dont tout le monde parle”.
Agile et prévenante
Je prends la première sortie pour me retrouver sur des petites routes. Alors, je conserve mes réglages et commence à élever le rythme. Tout de suite, la GT3 prend vie, et le châssis devient communiquant avec un train avant très différent des versions précédentes. Dans un premier temps, il s’agit de la première fois dans l’histoire de la GT3 de s’équiper d’une double triangulation et les spécificités d’usine ont 1.5 degrés de carénage. Cela rend la GT3 plus réactive et couvre l’embonpoint pris entre les versions 991 et 992, (de 1400 kg à 1475 kg) en donnant un sentiment d’agilité plus présent. Pour autant, la route doit être très peu accidentée car le carénage suit les imperfections au sol. Il faut donc rester très attentif. Le train arrière est rivé au sol, les pneus de 315 (pour info, 255 à l’avant) font passer toute la puissance au sol, qui arrive de manière progressive, une relique dans les moteurs actuels, presque tous assistés par des turbos. Ce dernier est si émotif que l’on peut penser, à tort, qu’il est la pièce centrale de la GT3, pour autant, je m’oppose à ce courant de pensée. Le châssis est encore plus impressionnant en tous points, à un tel niveau que la GT3 peut, parfois, paraître sous-alimentée et manquant de puissance. A chaque accélération on sent que ce dernier pourrait encaisser 100 chevaux de plus, facilement. Pour autant, le niveau trouvé par Porsche permet, notamment, d’avoir une confiance aveuglante dans cette sportive, très rassurante a bien des occasions.
Après avoir fait plusieurs kilomètres à allure très rapide, je me rends compte de l’intouchabilité de la GT3, par son moteur, aujourd’hui unique, et son châssis de premier rang. Chaque freinage est précis, les virages semblant coulisser sur le profil de la voiture, ne sentant que votre corps bouger et s’arrêter sur les maintiens des baquets. Chaque réaccélération est divine par le son qu’elle émet et par le grip qu’elle octroie, on peut vraiment faire confiance dans cette GT3 comme nulle autre voiture tant les mots ‘sous’ et ‘sur’virage ne semblent pas exister dans son dictionnaire. Mais comme toutes les grandes voitures, la GT3 a cette dualité, on aime aller vite, très vite et parfois même trop vite, mais on aime aussi avoir un rythme simplement soutenu, en amenant la voiture d’un virage à l’autre pour la sentir prendre vie entre nos mains, et cela, cet habilité à être une voiture aussi attirante en conduisant à la limite, qu’en prenant son temps, sépare les bonnes voitures des “grandes” voitures. Et cette GT3 pousse le curseur encore plus loin, chaque coup de volant, peu importe la vitesse, même en manoeuvrant dans un parking est spécial, et cela l’érige au rang du sacré.
Alors que je me mets les voiles sur Paris, je me rends aussi compte de l’immensité de la GT3, de sa profondeur, de ce qu’elle représente. Normalement il faut quelques kilomètres ou quelques minutes pour comprendre une voiture, la GT3 demandera des milliers de kilomètres, à défaut de nombreux mois, voire d’années. Est-ce une supercar ? Une sportive ? Une voiture de circuit ? C’est une GT3, c’est-a-dire, les trois à la fois tout en étant complètement différente. Une fois rentré au parking, je m’éloigne de cette merveille créée par l’homme, en me retournant, afin de la regarder, je me remémore cette matinée et ce premier trajet depuis le sud de la France. Le lendemain, je me décide à la prendre pour aller au rassemblement de la Place Vauban, afin de partager cette passion et cette voiture, de surcroît, il s’agit de l’une des premières 992 GT3 à Paris. Les personnes présentes ce jour-là, se sont extasiées pendant plusieurs heures à regarder tous les détails qui forment cette incroyable voiture, de l’aileron, a l’extracteur d’air, au capot en carbone !
Depuis ce dimanche, nous adorons encore plus cette GT3 et nous l’utilisons de manière intensive, presque 5000 kilomètres en deux mois, comme Andreas Preuninger l’avait voulu, afin de faire vivre cette fantastique machine, et nous continuerons de faire ainsi. Nous la partagerons aussi, car ces voitures doivent être vécues par le plus grand nombre. Et c’est de cette manière que nous concluons la présentation et l’essai de notre GT3. Oui, le mot me fait encore rêver.