Suprématie.
A bien des occasions les journalistes essayent de trouver des superlatifs afin de caractériser une voiture. De manière très naturelle, celui de la Classe serait suprême. Dans cette version hybride avec une batterie de 28kWh, elle pave la route de Mercedes jusqu’en 2035 et la fin des véhicules thermiques. Rare sur ce segment et même rare dans l’industrie ces jours-ci, la Classe S est pertinente pour aujourd’hui et pour demain. Le porte-étendard de Mercedes est une fenêtre ouverte sur l’avenir de la marque à l’étoile et de l’automobile.
Nouveaux marchés
Si certains peuvent parfois critiquer les grandes marques allemandes pour leur manque de créativité, cela ne peut être dit de la Classe S. Elle est très différente de la version qu’elle remplace, la W222. Cette nouvelle génération, présentée en 2020, a des lignes plus asiatiques afin de convenir à l’Asie, un marché porteur pour Mercedes. Cette W223 préfigure aussi le style des prochaines Classe C et Classe E, notamment avec les feux avant et arrière. Les jantes de notre modèle d’essai sont les versions AMG 20 pouces, qui ont fait école depuis presque une décennie, allant parfaitement avec le pack AMG de ce modèle-ci. Cette nouvelle Classe S est un spectacle pour les yeux dont les grandes mégalopoles ont vraiment l’habitude. Vivant entre Paris et Londres, la Classe S semble presque être un moyen de locomotion aussi répandu que le métro. Elle est si consubstantielle avec les grandes villes que je me demande si elle sait encore s’aventurer sur autoroute. Apres-tout les ingénieurs auraient pu oublier complètement l’extra-urbain, si, et c’est justifiable, 95% de la production restent en ville. Alors l’épreuve fut assez naturelle à mettre en place, partir de Paris pour rejoindre Londres, et faire le retour. Un trajet avec de la ville, de l’autoroute, en prenant même un train.
Alors me voilà, à Rueil-Malmaison, au parc presse de Mercedes avec cette magnifique Classe S Noire Obsidienne. Aussitôt prise en main, je mets deux trois bagages dans le coffre de 540 litres, à peine plus grand que celui d’une Classe E et mets les voiles vers Londres. Bon, la réalité est plus les bouchons parisiens, où surprenamment, la longueur de 5,18 mètres et la largeur de 1,92 mètres ne sont pas difficile à prendre en main. De plus, avec l’essieu arrière directeur jusqu’à 10 degrés, le rayon de braquage descend à 10 mètres. Si cela ne vous parle pas, dites vous que c’est autant que la compacte Classe A, représentant une réduction de 2 mètres par rapport à la version W222. Une fois sur le périphérique je peux profiter de la conduite autonome, où la Classe S se conduit toute seule, en prenant en main la direction, l’accélération et le freinage. C’est très reposant dans le trafic.
Compagnon de route
Une fois sur l’A1, le trafic se dissipe et on peut (enfin) profiter d’une route plus ouverte, et après avoir passé Charles de Gaulle et faisant apparaître les premiers panneaux “130”, on s’autorise à mettre le régulateur sur 136 km/h et profiter du 6 cylindres tournant à moins de 1500 tr/min. Evidemment, entre la boîte à 9 rapports gardant les révolutions assez basses, le double vitrage et les larges bandes d’insonorisation, cette berline est l’une des plus silencieuses du marché et donc l’une des plus agréables sur l’autoroute. A haute vitesse elle semble voler au-dessus de la route et tandis que la direction se rigidifie ainsi que la suspension elle ne paraît en aucun cas molle. On sent les roues arrière directrices même dans les changements de file avec l’arrière venant accompagner l’avant.
Mais en plus de cela, c’est l’intérieur qui saute aux yeux. Entre le cuir nappa noir, les sièges plus confortables qu’un canapé, les deux écrans et la qualité imperfectible des ajustements, la Classe S chatoie ses occupants. En glissant sur l’autoroute A1, soleil couchant, on profite des sièges au confort parfait, évidemment chauffants, ventilés et massants, avec un combiné d’instruments en 3D du plus bel effet pour le conducteur. Jusqu’à maintenant pas de musique, je profitais du silence monacal de la Classe S, mais je me dois d’essayer le système Burmester. Le résultat est sans appel, jamais la basse du début de “The Less I Know the Better” fut aussi claire et jamais auparavant ma cage thoracique avait autant vibré. Et puis il y a toutes ces petites attentions, comme lorsque l’on met la main sur le siege passagé pour attraper quelque chose la voiture allume la lumière afin de nous aider à voir, le pare-soleil arrière qui s’ouvre quand on tourne la tête, les rétros qui se règle juste en regardant dedans…
Après 3 heures de route, on arrive à quelques encablures de Calais, à Coquelles plus précisément où se situe le terminal Eurotunnel pour Le Shuttle. Le Shuttle c’est un service vous permettant de relier Calais à Folkestone en 30 minutes avec votre voiture. C’est plus rapide, plus efficient et plus écologique que le bateau. De plus, avec les wagons pour grands gabarits, qui est aussi celui des camionnettes, vous comprendrez rapidement que la Classe S et les autres SUV se sentent à leur aise. Avec le ticket Flexi+, vous pourrez arriver peu importe l’heure et prendre le premier train disponible avec en plus un salon avec des canapés, des boissons et d’autres commodités pour se restaurer. Après avoir prit Le Shuttle plusieurs fois, je peux dire aisément qu’il s’agit de la manière la plus facile d’aller de l’autre côté de la Manche avec sa voiture !
Pendant la traversée, on règle la Classe S pour les singularités liées à l’Angleterre, on passe alors le compteur de kilomètres par heure à miles par heure, et les feux en mode conduite à droite. Une fois le train quitté, on émerge directement sur la M20, direction Londres. Si déjà les 130km/h semblait trop facile pour la Classe S, aux limitations du Royaume-Unis, à 70 mph (environ 110km/h), la berline ne fait aucun bruit, bien en-dessous des 2000 tr/min et stabilise sa consommation aux alentours des 6l/100km, donnant un rayon d’action de plus de 1000 kilomètres avec un plein. La modernité de la Classe S tranche avec les infrastructures anglaises, semblant à l’agonie, surtout comparées aux françaises. Entre le goudron granuleux, les bandes d’arrêts d’urgence inexistantes, et l’obligation de passer par le sud de Londres sans route express afin d’atteindre mon domicile sur les bords de Hyde Park, la France manque déjà. Une fois dans le centre de Londres, je me fonds dans la masse des dizaines d’autres Classe S jonchant les routes de la capitale Britannique. Après 6 heures de voyage, je gare la berline et en profite pour regarder la technologie et les données techniques du porte-étendard de Mercedes.
Comme mentionné au-dessus notre étalon est une version 580e, “e” voulant évidemment dire “électrifié”. Si la version 500 accueille normalement un V8 sous son capot, la 580e se dote d’un 6 cylindres en ligne de 3 litres développant 367 chevaux à 5500 tr/min mais, et sûrement plus parlant pour une Classe S, 600 Nm de couple à partir de 1600 tr/min. Mais le plus intéressant est la batterie de 28.6 kWh, soit plus grosse que la première Renault Zoé, développant 150 chevaux et 450 Nm avec un unique moteur, acceptant jusqu’à 60 kWh de puissance pour la recharge. Mercedes annonce une autonomie de 94 à 113 km pour une consommation de 20.2 à 22 kWh/100km, nous reviendrons après pour cette partie. Le tout, en hybride, donne une puissance cumulée de 510 chevaux et 750 Nm. Bien assez pour passer les 2.3 tonnes de la berline de 0 à 100 en 5.2 secondes.
Après ces détails techniques, qui sont consubstantiels pour comprendre de quoi cette nouvelle Classe S est faite, il est temps de se reposer, car demain la route nous attend, et la berline devra être à la hauteur.
Il est 10h30 lorsque j’émerge sur la Kensington High Street, avec comme à son habitude, une ligne de voiture essayant tant bien que mal de se créer un chemin dans la capitale anglaise. Il va sans dire que la berline se révèle suprême, même en ville, mais je dois noter un frein assez compliqué à appréhender afin de réaliser des arrêts sans accoups. Cela venant surement du fait que la génération active d’énergie par le système de freinage, qui enfonce la pédale plus que nécessaire afin de regagner un maximum d’énergie. Sur ce premier trajet, la batterie est vide mais on arrive tout de même à faire les premiers mètres en électrique. Ainsi, on apprécie que la Classe S ne délaisse pas son moteur, qui reste extrêmement rond et linéaire même sans la présence de l’électrique.
Arrivé à destination, chez Girardo & Co dont vous trouverez l’article bientôt, on peut recharger cette Classe S et faire le chemin retour vers Londres avec une batterie pleine au 3/4. Mais pendant que nous sommes sur les fameuses “B Roads” (les routes secondaires anglaises, le réseau des départementales), on ne résiste pas à essayer de mettre le pachyderme de 5 mètres et 2,3 tonnes en mode “sport”. Évidemment, sans surprise, la Classe S s’écrase dans les virages et plonge de l’avant mais reste saine. Notre modèle d’essai n’est pas une version 4MATIC, alors on pourrait penser qu’entre 500 chevaux et 700 Nm de couple, la motricité du train serait la bienvenue. Pour autant non, la voiture est si longue que le survirage est absent et les roues arrières directrices aident aussi en sortie. La version 4MATIC, bien que très utile à la montagne, je n’en doute pas, rajoute du poids et fait baisser l’autonomie en électrique de presque 10%. De plus, il vous arrivera très peu de mettre pied au plancher dans une Classe S. Autre élément assez intéressant concerne les freins, qui malgré la masse à arrêter sont très endurants, surement car cette version AMG dispose des freins ventilés. Mais si l’exercice abject du sport à la manière Classe S arrive à la mettre en défaut, elle excelle en vitesse stabilisée sur voie rapide et en ville. Nous revoilà à Londres, dernière soirée avant de remettre les voiles vers Paris, demain.
Accompagner le thermique dans la tombe
Il est sur les coups de 17h quand je m’assis dans la Classe S, mets le contact et engage le mode Drive. Évidemment, la sortie de Londres met environ 2 heures et rejoindre Folkstone, à seulement 110 kilomètres de la capitale prend plus de 3 heures. Pour autant, alors que je suis sur la M20 et que la météo fût très britannique ces derniers jours, l’Angleterre, comme un au revoir m’offre un couché de soleil orange spectaculaire, de derrière, permettant de projeter l’ombre de la Classe S devant moi, sur la route. Bien au chaud dans les sièges massants, la musique battante, je comprends la poésie de la Classe S et son air presque imperceptible, donnant l’impression de ne faire aucun effort, comme étant porté sur la route.
Le retour via Le Shuttle est aussi simple qu’à l’aller et le service d’Eurotunnel ne déçoit pas. Aussitôt passer les barrières, aussitôt arriver en France. La suite vous la connaissez, A26 puis A1, vide, à 21h en semaine, rendant à la Classe S son terrain de jeu favori. En quelques heures me revoilà, la ville lumière se dressant devant moi, mettant fin à ce voyage qui fut rendu exceptionnel par la Classe S.
Il manque toujours un élément. J’ai passé le plus clair de mon temps à encenser cette Classe S, car elle le mérite, mais à aucun moment j’ai essayé d’envoyer l’hybride dans ses retranchements. En conduite normale, on arrive à 85-90km d’autonomie et sur autoroute comptez 6-7 l/100km. À part cela, nous avons abordé l’autonomie et la consommation que de manière “homologation” en prenant les chiffres donnés par Mercedes. Même s’il semble révolue le temps ou les constructeurs affichaient la norme NEDC avec 400 kilomètres d’autonomie donnant moins de 250 réelles, je me devais de voir si Mercedes avait surévalué ces chiffres. Et pour le moment, le constructeur de Stuttgart fut toujours très honnête. Alors me voilà, je vais faire de la ville et de l’autoroute, j’ai un plein d’essence complet et la batterie chargée à 100%, les compteurs sont à 0. Le trajet de pas loin 30 kilomètres prend à peu près 40 min avec une vitesse moyenne de 40km/h environ. La consommation essence s’établit à 3.1 l/100km, avec une utilisation massive de la batterie. Cela donne environ plus de 2000 kilomètres réalisables avec le plein de 63 litres. Mais le plus impressionnant reste la consommation électrique donnant 15.2 kWh/100km soit bien en dessous des 20 kWh annoncés par Mercedes. Cette consommation donne une autonomie théorique de 188 kilomètres en électrique, soit presque 140 kilomètres de plus qu’une hybride traditionnelle. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et aucun commentaire n’est nécessaire face à une telle performance.
Le début de la fin
Mais une chose m’attriste dans tout cela, bien qu’elle paraisse moderne, et elle l’est, je ne peux que sentir une heure de fin de règne. L’EQS est déjà à ses côtés sur le catalogue Mercedes, et l’on sait que la Classe S que l’on connaît disparaîtra en 2035.
Ayant fait plus de 1200 kilomètres, je me suis attaché à cette voiture aussi exceptionnelle, alors je me demande, cette version W223 (présentée en 2020) est-elle la dernière des Classe S ? Fera-t-elle 15 ans de carrière, ou Mercedes fera-t-il un baroud d’honneur avec une version W224 ? Les âmes à Stuttgart le savent, mais pour l’heure, seul le temps nous apportera des réponses.
Pour le moment, Mercedes nous montre le chemin qu’il compte prendre jusqu’en 2035, celui d’une hybridation massive avec des autonomies presque aussi importantes qu’une Smart EQ, et cela n’est pas pour nous déplaire. Mettre une batterie aussi importante dans une hybride est une incitation à la recharger et donc à l’utiliser. Vous l’avez sûrement entendu, cette fameuse phrase, avec le Range Rover P400e par exemple “c’est une bonne voiture mais il faut que la batterie soit chargée”. La vraie question est: les efforts pour la recharger valaient-ils seulement 30km d’autonomie. La réponse rapide est non, mais la, avec plus de 100km faisable, la question ne se pose plus, oui, rechargeons-là ! La 580e n’est pas une Classe S avec une batterie, elle a été conçue comme cela, la batterie de cette W223 était dans ses gènes depuis le début, et cela se sent.
Il y a 2 ans, l’EQS devenait la première voiture électrique mature, où tout semblait abouti. Avec cette Classe S Mercedes ne redéfinit pas l’hybride plug-in, il l’invente presque, et toutes les voitures venant avant elle semblent désormais brouillon. Quand Ferry Porsche, à Stuttgart, présentait la Löhner-Porsche, la première hybride de l’histoire, en 1889, il avait sûrement cela en tête. Pour beaucoup, cette Classe S restera un moyen de déplacement luxueux dans les grandes mégalopoles, mais ne vous y méprenez pas, la prochaine fois que vous en croiser une, regarder le badge à l’arrière, s’il affiche “580e”, il se pourrait bien que vous ayez devant vous l’une des voitures les plus importantes de la décennie.
Notes, mentions et conclusion :
Score : 81.5/100
Extérieur – 16/20
Intérieur – 18.5/20
Moteur – 15/20
Dynamisme & Sensations – 14/20
Confort & Praticité – 18/20
Le but de la Classe S a toujours été de dessiner le futur de l’industrie automobile. Cette version W223 ne déroge pas à la règle avec une hybridation massive et des attributs technologiques sans comparaison. Elle ouvre la route vers une automobile de transition en attendant l’avènement du tout électrique en 2035 et nous rend confiant dans le futur à la fois propre et technologique des véhicules de demain. La Classe S a toujours été une voiture importante hier, tant elle l’est aujourd’hui ; Et cette version 580e la rend importante pour demain.
Merci à Mercedes-Benz France et en particulier à Julien, Fanny et Jean-Luc.