La modernité et le sport.
La Classe S est une institution de l’automobile. C’est aussi une voiture de choix pour les dirigeants d’entreprises, de pays, parfois démocratiques, parfois autoritaires. Depuis plus de 50 ans (commençant avec la Type 116), la berline de Mercedes ne semble pas avoir connu de réelle rivalité avec ses concurrentes. La première à porter réellement le blason Classe S est la Type 140 de 3e phase, mais, et presque plus important, la première à porter le blason 63 sur une Classe S est la Type 220, sortie en 1998 avec une fin de carrière en 2005. La S63 est probablement le véhicule le plus bipolaire du constructeur, car AMG rime avec sport et la Classe S avec confort. L’exercice est d’autant plus compliqué que cette nouvelle S63 embarque une hybridation, qui jusqu’à peu rimait avec confort et douceur, comme je l’évoquais dans mon essai de la S580e.
Nous sommes début mai et pour l’une des premières fois de l’année, le ciel s’est décidé à ne pas jouer avec les nuages et la pluie, ce n’est donc pas aujourd’hui que nous essayerons l’efficacité du système 4Matics. On se retrouve une fois de plus, et comme toujours, au parc presse de Mercedes où je me fais escorter vers la berline dont les 5,30 mètres ne rentrent pas tous sous le patio du parking. Un tour du véhicule et une signature plus tard me voilà au volant de la berline la plus puissante de toute la production automobile actuelle.
Dès les premiers tours de roues, la dualité de la S63 se ressent. A l’avant, il y a ce V8, qui gronde, vibre et tire la voiture dans le sens de la marche, puis il y a ces suspensions, peut-être les plus confortables de la production. Pour le moment, je ne sais toujours pas s’il s’agit d’une Classe S sportive ou d’une Classe S avec simplement beaucoup de puissance pour l’agrément. Comme toujours sur cette génération, et sur les générations auparavant, l’intérieur est un sans-faute. Du design, aux matériaux choisis, la berline se place en référence, même si le traitement AMG peut manquer de détails, excepté le volant et le carbone, rien ne différencie cette S63 d’une S500. Côtés technologiques c’est peu ou prou une Classe S plus « classique » et on retrouve le MBUX au centre et le combiné d’instrument 3D. Évidemment, il y les assistances à la conduite, dont le maintien de voie, l’assistance au franchissement des lignes blanches, le régulateur adaptatif, la nouvelle S63 peut même se conduire toute seule dans les bouchons. A l’extérieur, les changements de la version AMG sont plus notables. Evidemment, la calandre Panamericana fait son arrivée sur une Classe S avec un bouclier inférieur spécifique, au niveau de la poupe. Les changements se font dans le détail avec l’instauration d’un diffuseur arrière, en carbone sur notre modèle d’essai avec en plus, les 4 sorties d’échappement rectangulaires typiquement AMG. Pour autant, sa robe gris mat, fait beaucoup plus AMG que Classe S, pourtant elle passe inaperçue pour les moins avisés.
Alors le lendemain matin, ayant mis les voiles vers l’Ouest de la France, nous quittons Paris par sa fameuse autoroute A6. Sur voie rapide on sent beaucoup de confort et peu de sport, un bon point. Même avec les nouvelles jantes AMG, accueillant une monte pneumatique plus large, le calme prime à bord. La consommation se stabilise permettant allègrement de dépasser les 600 kilomètres avec un plein. De la même manière qu’une version non-AMG, on a autant envie d’être sur les sièges avant que les deux situés à l’arrière. En effet, un troisième siège est disponible, au milieu mais est un strapontin, qui lorsque déplié révèle une tablette permettant de contrôler les écrans arrière. L’aube montre le bout de son nez, nous naviguons toujours sur l’autoroute, profitant du couple de 1430Nm lors des relances, permettant de rester en permanence en sur le 9è rapport. Après 5 heures de route, à profiter du confort, du son Burmester 4D avec plus de 20 enceintes mais aussi de la conduite semi-autonome par moment, permettant, notamment dans les bouchons de mettre le régulateur sur 30km/h et laisser la voiture se placer dans la voie, accélérer, freiner… Nous voila sur des routes plus intéressantes, sinueuses et dégradées par moment, mais aussi étroites, peu adaptées pour une voiture moderne, qui plus est pour une berline de 5,33 mètres de long et 2,10 mètres de large. Mais avant de savoir si cette nouvelle S63 est réellement une AMG, je me dois de faire une bifurcation technique car, comparé à la précédente S63, cette version W223 est bien plus complexe.
Alors nous commencerons en douceur, le moteur thermique est toujours le fameux V8 (M177 aussi présent sur les Aston Martin et autres modèles 63 de la marque à l’étoile – à savoir, la version M176 de ce V8 est celle que l’on retrouve sous le capot des versions 500/550/580 ; le M178 sur les versions AMG GT comprenant aussi une variante M178 LS2 pour les version Black et Track Series ainsi que l’Aston Martin Valhalla). Dans notre cas, le V8 développe 612 chevaux et 900Nm de couple. Pour autant, il n’est ici pas seul, car il est aidé par une (petite) batterie de 13,1 kWh, développant, via le moteur électrique 190 chevaux. Cela permet à cette nouvelle S63 de développer un total de 802 chevaux et 1 430Nm. Des chiffres à peine croyables sur une berline. 802 chevaux c’est plus que la 812 Superfast, la GT la plus prestigieuse chez Ferrari, et 1430Nm, c’est presque 200Nm en plus que la Bugatti Veyron 16.4, dont le chèque d’acompte lors de sa sortie est toujours plus élevé que le prix de notre S63 (cf. 275 000 euros). Pour autant, toutes cette débauche de technologie permet à la berline de 800 chevaux de s’approcher des 100 grammes de CO2 par kilomètre, soit presque 3 fois moins que la version précédente (W222). En plus d’émissions en baisse, l’hybridation permet aussi une baisse de la consommation aux alentours de 5 à 6 litres au 100 kilomètres (soit plus de deux fois moins que la version de la W222), encore moins en ville ou la propulsion en électrique sera priorisée pendant 33 kilomètres selon les chiffres de l’homologation. Dans la vraie vie, comptez 25 à 30 kilomètres. Les plus curieux d’entre vous auront remarqué que je n’ai toujours pas parlé des fameuses roues directrices, élément essentiel des autres versions de la Classe S (j’entends par là, non-AMG). Ces dernières pivotant à 10 degrés permettent au paquebot d’avoir un rayon de braquage aussi court que celui de la Classe A. Malheureusement, au nom de la stabilité, celle de la S63 ne pivotent ‘que’ de 3 degrés, alors manœuvrer dans un parking reste tout de même un challenge.
Maintenant vous connaissez tout ou presque sur la technologie de cette nouvelle S63, comment cela se traduit-il sur la route. Pour le savoir, me voilà, comme expliqué précédemment, sur une petite route qui devrait mettre en difficulté cette berline de 800 chevaux. Je tourne la molette sur le mode le plus sportif, passant entre Confort, Sport, Sport +, Battery Hold, Routes Humides, Électrique (je pense avoir fait le tour des modes de conduite) et la S63 se raffermit rapidement, on sent que la direction devient plus lourde ajoutant de la précision, la pédale d’accélérateur, presque hésitante en mode confort, surement pour une conduite faite par un chauffeur, devient linéaire. Alors je commence à mettre du rythme et je suis impressionné par l’absence de prise de roulis, même si la direction se révèle toujours un peu floue et on se sent parfois déconnecté du train avant. Le freinage est endurant et le dosage de la pédale donne confiance dans le comportement de cette Classe S, ici aidé par un système en céramique, facturé 9 000 euros, mais vu les 2,5 tonnes, il est obligatoire si vous voulez emmener rapidement cette S63. Le châssis montre ici la dualité de la S63. Et si jusqu’à présent, le moteur, la boite, l’accélération, le freinage faisaient penser à une AMG, le châssis est lui plus du côté Classe S. Il encaisse difficilement les changements de cap rapides et la puissance débordante, pour autant, il communique parfaitement bien ses limites donnant une vraie confiance à rythme soutenue. Mais on le sait, et dans l’automobile peut-être plus qu’ailleurs, on ne peut pas tout avoir, alors aurais-je sacrifié du confort de la Classe S afin d’avoir un châssis plus adapté ? En substance, non, jamais. La S63 sera conduite la plupart du temps sur autoroute et en ville, et même si elle porte les jumeaux AMG et 63 dans son nom, celui qui prédomine est « Classe S », je trouve donc le compromis proposé par Mercedes absolument parfait. Et pensez-y, oui un châssis plus sportif donnerait plus de dynamisme mais handicaperait le confort, voulez-vous vraiment une voiture sportive qui dépasse les 2,5 tonnes ? Je ne pense pas.
Une fois de plus Mercedes a su mettre le curseur là où il le fallait, afin de développer un produit qui soit le plus homogène. Jusqu’à cet essai je ne pensais pas vouloir d’une AMG confortable et douce, mais il fallait me le mettre devant mon nez pour que j’y goûte et devienne un fervent partisan. Certes, la S63 est très différente des autres AMG, même si l’ADN d’Affalterbach n’est pas très loin, notamment avec ce moteur et ce bruit typiquement AMG. Une autre crainte que j’avais, concerne justement le moteur, je pensais qu’il serait peut-être trop différent, trop loin des valeurs de la Classe S. Pour autant il remplit parfaitement son rôle et même s’il s’agit du même groupe motopropulseur que la E63, ici la sensibilité de l’accélérateur est différente afin de mieux correspondre au caractère confortable. Il y a une évolution linéaire entre les produits AMG. La C63 est la plus violente et la moins confortable, la E63, est encore plus impressionnante, avec des qualités dynamiques bien supérieur à celles d’une RS6 mais restant toujours plus confortable qu’une C63. La S63 est plus confortable, moins dynamique, mais laisse derrière la C et E63 avec son 0 à 100 en 3,2 secondes, de plus, il est difficile de trouver une concurrente sur le marché de la Classe S, elle est en effet seule sur son segment.
Alors la S63 justifie-t-elle son prix élevé et le peu de compromis fait sur le confort ? Après presque 1 semaine passée à vivre avec la berline de la marque à l’étoile, je peux dire que oui. Déjà c’est une proposition inexistante chez les autres conducteurs ; Celle d’une berline surpuissante et hybride. Le plus impressionnant tour de force de la S63 reste son hybridation, qui est ici un élément clef, ce n’est pas une idée arrivée en cours de développement, on sent, à son volant, que la nouvelle S63 est née en tant qu’hybride et que ce choix fut pensé bien en amont. En plus de réduire drastiquement les émissions de CO2 sur le papier, elle réduit aussi la consommation dans la vraie vie, spécialement en ville. En étant une hybride rechargeable, on peut utiliser la Classe S réellement tous les jours en ville, en la chargeant sur une borne domestique ou simplement dans la rue. Vous pouvez aussi la recharger en roulant.
Conclusion :
Dans mon essai de la Classe S 580e j’avais terminé en disant que Mercedes venait de faire la première vraie hybride mature, grâce à son moteur thermique souple et économique et à cette grosse batterie permettant de dépasser allègrement les 100 kilomètres d’autonomie, faisant de la partie électrique un élément intégrant de cette berline et pas seulement un ‘plus’ comme c’est la cas sur la plupart des voitures. La S63 est différente, oui elle cherche une hybridation afin de se moderniser et réduire ses externalités sur l’environnement, mais en faisant cela elle ouvre une toute nouvelle aire, celle des voitures puissantes mais aussi responsables. En repensant la manière de faire une berline sportive, Mercedes sauve ce segment pour la décennie à venir.