Le derniers des mohicans
Le monde des super-sportives a été quelque peu secoué au milieu des années 2000. En effet, dans un milieu ou Porsche, Ferrari et Lamborghini régnaient en maître, voient leur leur place au soleil se remettre en jeu avec l’arrivée d’une voiture de la part d’un constructeur inattendu. Nous aurions pu penser à une marque italienne, peut-être britannique,comme Aston martin qui aurait délaissé son ADN grand tourisme pour une sportive plus brute. Pour autant, l’attaque viendra d’un constructeur premium, loin des enfantillages des voitures faisant du bruit avec un design exacerbé, Audi.
La marque aux anneaux, en arrivant sur ce marché changea complètement les règles. Alors qu’une 911 restait une sportive, elle était loin d’être une GT, la R8 changera tout cela. Je pourrais même aller jusqu’à dire que le changement d’esprit des super-sportives, plus confortables, accessibles, sera en partie dû à la R8. En effet, la supercar d’Audi n’avait rien à voir avec le reste des concurrentes, elle est plus techniquement abordable, utilisable tous les jours. Lors des premiers tours de roues, la R8, même ici dans sa définition GT, la plus radicale, reste fidèle à ses valeurs d’Ingolstadt. Son interface est facile à utiliser, son intérieur n’a rien d’alien et elle est confortable. On peut se voir facilement utiliser cette R8, tous les jours, en ville et sur autoroute. C’est d’ailleurs la que nous décidons d’emmener, pour ses premiers kilomètres, la supercar d’Audi, sur l’autoroute. Comme prévu, sur la 7è vitesse, à vitesse stabilisée, la cabine est bien insonorisée, le moteur, même s’il a 10 cylindres se fait oublier. On trouve même les sièges Recaro confortables, ces derniers possèdent aussi des haut-parleurs intégrés dans l’appui-tête. La consommation se stabilise autour des 10/11 litres aux 100 kilomètres, permettant allègrement de dépasser les 500 kilomètres avec un plein sur autoroute. Cette génération de R8 arrive désormais sur ces 10 ans, sa présentation ayant eu lieu en 2015, une période dorée pour le constructeur, qui semblait transformer en or tout ce qu’il touchait. Ainsi, tous les boutons, commodos, aérateurs pour la clim sont d’une qualité rappelant celle des Bentley et Rolls Royce. Au moment de sortir de l’autoroute, je me rappelle l’histoire presque irréelle de la R8.
Ce point d’histoire est important afin de comprendre comment une marque connue pour ses berlines et familiales premiums, non destiné à faire une sportive pur-sang s’est retrouvé a changer une catégorie de l’automobile tout entier. La Audi R8 sort des chaines d’assemblage en 1999, non sous la forme que lui connaissons aujourd’hui mais celle d’une voiture de course, type LMP-900 pour les 24h du Mans 1999, avec en première itération une R8-R, une barquette ouverte et une R8-C, une barquette fermée, toute deux propulsée par un V8 bi-turbo de 3,6 litres d’environ 650 chevaux. En 2001, Audi présentera la R8, voiture de course ouverte, qui dès 2001, commencera sa domination dans la Sarthe. A partir de 2006, l’Audi R8 prototype du Mans prendra sa retraite pour faire place aux R10 TDi, avec le fameux V12 diesel. Suivant ses succès au Mans, la marque aux anneaux se sentait légitime afin de lancer une supercar basée sur un nouveau châssis sur-mesure pour cette voiture. Pour le nom, Audi voulait rendre hommage à sa voiture qui aura fait tant de kilomètres dans l’Est de la France, qui par extension fut l’une des plus beaux prototypes de l’histoire des 24h du Mans, elle se nommera R8.
Développer un châssis fut déjà une tâche longue, ardue et surtout chère, alors pour le moteur Audi voulu prendre dans sa banque d’organe. Les choix n’étaient pas immenses, le W12, bien trop lourd et exotique, les V6 pas assez exclusifs. Tout naturellement les ingénieurs se retrancheront sur le V8 4.2 litres présent notamment dans la RS4. Puis, quelques années plus tard, la R8 s’équipait de son moteur phare encore aujourd’hui, le V10.
Notre version GT, limitée à 333 exemplaires dans le monde, est équipée du V10 5,7 litres et 620 chevaux, soit 50 de plus que la version normale. Alors que nous sommes désormais loin de la ville, je peux essayer de mieux comprendre cette R8 GT. Même en mode sport, la sportive Audi se révèle confortable et affiche un grip impressionnant du train arrière. Le moteur est impressionnant, les montées en régime rappelle l’univers de la moto et la boite expédie le rapport supérieur en quelques millisecondes. Les freins carbone céramique permettent de stopper la R8 plus rapidement de 100 à 0 qu’il n’accélère de 0 à 100. La pédale est parfaitement dosée et la limite des diques sera impossible à trouver sur route ouverte. Même la limite du châssis sera difficile à trouver sur route ouverte. En entrée de virage je trouve pour autant que la direction manque de précision et de communication mais elle permet tout de même de donner beaucoup de confiance en la R8. En sortie de virage, on fait confiance au contrôle de traction mais aussi à la linéarité du moteur atmosphérique permettant de ne pas avoir de surprise. Ce qui reste le plus impressionnant avec cette R8 GT, qui est l’équivalent d’une Ferrari ‘Speciale” ou d’une 911 GT3, est son côté abordable, prévenant et confortable. La ou les 911 Carrera sont devenues plus accessibles avec le temps, les GT3 sont devenues plus dures, avec des suspensions cassantes. Ici la R8 ne tranche pas avec sa version plus civilisée.
Alors, je dois la mettre au test cette polyvalence. Pour faire cela, rien de mieux que de mettre les voiles sur Paris. Et encore une fois, ni les pavés, ni les cyclistes et taxis peu scrupuleux ne font peur à la R8. Malgré une couleur blanche mat, des appendices en carbone dont l’aileron, elle passe presque inaperçue. Même sans système de levage de l’essieu avant, la lame avant ne frotte pas lors des passages sur des ralentisseurs, ni dans les entrées des parkings sous-terrain. La visibilité dans la R8 est parfaite et ses dimensions, 4,44 mètres en longueur, 1,94 mètres en largeur et 1,23 mètres en hauteur, elle permet encore d’évoluer en milieu urbain sans être dans un stress permanent. Si les adultes passent à côté de la R8 en pensant qu’il s’agisse seulement d’une “Audi sportive” les enfants eux amoureux de cette voiture blanche, qui dans les 10 dernières années a si peu évolué car elle était, déjà 2009, aussi moderne que les voitures d’aujourd’hui.
Conclusion
La R8 a marqué son époque comme peu de voitures avant elle. Elle a ouvert un segment mais elle a aussi fait changer le secteur des supersportives à jamais. Il y a “un avant” et “un après” R8, un après qui donne naissance à des sportives plus confortables et faciles à utiliser, plus grand public. Les ingénieurs d’Audi savaient où ils mettaient les pieds, ils savaient comment rendre les supersportives presque acceptables et cette R8 GT est une ode au chemin parcouru depuis 2009, une lettre d’amour a une voiture de sport pas comme les autres, et qui dans ses derniers instants devient celle qu’elle avait toujours refusé de devenir, une version aux antipodes de ses origines.
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