La dernière page.
Cela fait plus d’une génération que les modèles Spyder et GT4 coiffent la gamme 718, (précédemment en deux gammes distinctes, Boxster et Cayman). Et pourtant, si cela suffisait à la plupart des clients, une poignée d’irréductibles voulait quelque chose de plus. Le moteur de la GT3 (911) sur ces modèles. Le département GT de Porsche, dirigé par Andreas Preuninger depuis le début des années 2000, le voulait aussi. Pour preuve, sur la version précédente, la marque de Stuttgart avait déjà essayé de mettre le Flat-6 de la GT3 dans le compartiment moteur d’un GT4. Pour autant, dû à des entrées d’airs différentes, la production en série ne fut pas possible, faute de coût.
Alors, lors du développement du moteur de la GT3 pour passer sur la génération 992, Porsche pris en compte que ce dernier devait aussi se greffer sur une voiture bien plus petite. En 2021, le GT4 RS sera présenté, le Cayman ultime, comme un au revoir au moteur thermique sur la 718. Puis quelques mois plus tard, ce fut au tour du Boxster de recevoir ce moteur déjà mythique, avec la RS Spyder.
Clôturant une saga vieille de 28 ans, dont la mort sous la forme actuelle semble actée, la RS Spyder nous donne sa main pour sa dernière danse. Musique.
Le Spyder RS fait partir Porsche en grande pompe des moteurs à combustion.
La fin d’une époque
Se retrouver dans Levallois-Perret, la ville la plus densément peuplée d’Europe, pour aller chercher une Porsche du parc presse est toujours un plaisir, mais lorsqu’il s’agit de la RS Spyder ce dernier est décuplé. Habitué des dernières Porsche, entrer dans un 718 est un peu comme une machine à remonter le temps. Des boutons physiques partout, des aiguilles, et un écran pour le PCM (Porsche Communication Management). Entre 2016 et aujourd’hui Porsche a fait un bond substantiel en matière d’intérieur et pourtant celui de la RS Spyder nous colle à la peau. Il épouse le caractère fort du RS Spyder, sans fioriture, mais permet aussi de profiter réellement de la qualité de fabrication Porsche. En effet, entre un bouton haptique de chez Volkswagen et un de chez Porsche, au toucher il n’y a aucune différence. Pour autant, le “clic” typique des 991/981 et 997/987 respire la ‘Deutsche Qualitat’, les boutons haptiques, eux, n’apportent aucune plus value. Pourtant, la modernité, le RS Spyder sait aussi le faire, entre les optiques PDLS (Porsche Dynamic Light System), Apple CarPlay et la boîte automatique PDK (Porsche DoppelKupplung). Le coeur de la RS Spyder est pour autant très traditionnel, un 6 cylindres à plat, de 4,0 litres, sans assistance, sans hybridation. Il est certes le plus moderne des Flat-6 atmo, mais trouver une voiture sans turbo ni même micro-hybridation est mission impossible de nos jours. Seul Ferrari continue avec son V12.
Les premiers mètres dans Levallois-Perret sont faciles, on profite notamment des dimensions plus petites que celles de la 911 avec 1,80m en largeur (1,85 pour une 911), 4,42m en longueur (10 centimètres de moins que sa grande sœur). Cela montre aussi à quel point les productions de Porsche ont pris en dimensions ces dernières années, pour référence, le premier Boxster, le 986, faisait 10 centimètres de moins en longueur. Aujourd’hui, le Boxster est aussi large qu’une 911 type 997 de 2007. On sent aussi de suite la direction, encore hydraulique sur cette version, qui ne sera pas renouvelée sur les nouveaux 718, comme ce fut lors du passage de la 911 997 à 991. Avec 1410 kilogrammes sur la balance, une fois de plus, le RS Spyder se retrouve dans la moyenne de cette gamme, là ou la grande sœur, la 911, accuse presque 200 kilos pour la version basique et 400 kilos pour une Turbo cabriolet. D’un point de vue purement empirique, il est compliqué de penser qu’une telle voiture soit encore en vente en 2024, on sent alors que le RS Spyder clos un chapitre de l’histoire de Porsche. Beaucoup diront “et la GT3 ?”. La GT3 s’adapte et s’adaptera a son temps, aujourd’hui, elle a des roues arrières directrices, une direction électrique, et une centaine de kilos en plus. Le RS Spyder est donc le dernier des mohicans.
Les voitures comme la RS Spyder laisseront probablement une marque indélébile dans l’histoire de l’automobile.
Les présentations à peine faites, j’émerge sur l’autoroute, direction Chantilly. Placé sur le 7è rapport à 130, le régime moteur reste haut. En effet, le RS Spyder bénéficie de la boîte, introduite sur le GT4 RS, avec des rapports plus courts, jusqu’à -25% en seconde. Cela fait pâtir la vitesse maximale, qui permet pourtant de dépasser les 300km/h. Il est important de mentionner plus longuement ces rapports de boîte. Ils ne sont pas spécialement courts, par exemple une A110 R a toujours des rapports bien plus courts, mais ceux des GT4 (et GT3 par extension) étaient bien trop longs ; En fond de seconde vous étiez en excès de vitesse même sur autoroute. C’est donc un changement qui est le bienvenue. Depuis le siège baquet, inauguré sur la 918 et recouvert d’Alcantara (appelé Race-Tex dans la galaxie Porsche) rouge et de cuir noir, confortable et au bon maintient le trajet se passe bien. Malgré son appellation Spyder, qui ferait croire à un toit amovible sommaire, ce dernier reste assez insonorisé et permet d’envisager des longs trajets sans aucun problème.
Une fois la partie autoroute réalisée, j’arrive à quelques encablures de Chantilly sur ces routes épousant le relief donnant très envie de relever le rythme, pour autant je m’amuserai plus tard. Je suis surpris par le confort de ce Spyder RS. Après les suspensions très dures de la GT3 et celles presque inutilisables du GT4 RS et GT3 RS, selon certains journalistes, je m’attendais au pire. Pourtant, même sur des routes très accidentées, cette version reste très prévenante avec un rebond agréable bien que court et une détente extrêmement bien contrôlée. Ce qui se vérifie par les chiffres communiqués par Porsche, la suspensions est 55% plus souple à l’avant et 43% à l’arrière en comparaison avec le GT4 RS. Pour le moment, à part le bruit et les vibrations assez présentes, on pourrait à tort penser qu’il s’agit d’un Boxster sur un réglage “Sport++”. Pour le moment, j’arrive à ma destination, le Château de Chantilly.
Apothéose
Ma présence au Château de Chantilly est évidemment due au Concours d’Arts et Élégance organisé par Peter Auto. Une fois avoir fait le tour des exposants, en ce jeudi avant l’ouverture officielle au public, je dois rentrer sur Paris et m’autorise à enlever le toit pour mon retour. Le toit du Spyder RS est probablement la chose la plus “Porsche” et la moins “Porsche” que la marque de Stuttgart ai faite. C’est très Porsche car on sent l’ingénierie dans chaque pièce du dispositif mais c’est très peu Porsche car embêtant à mettre en place et surtout ne se verrouille pas toujours bien. Dans un premier temps, le toit est divisé en deux parties. La première est la lunette arrière et la seconde le toit en lui-même. Je ne vous ferai pas le mal de vous expliquer tout le procédé afin de retirer le toit mais il faut déboutonner la première partie pour la mettre dans une poche prévue à cet effet dans le coffre arrière et pour finir enrouler le toit sur lui même et le loger dans l’espace sous le capot arrière, evidemment il y a 3 sous-étapes entre ces deux grosses actions, et 1 avant et une après. Il faut aussi s’assurer que la partie “enroulage” s’est bien déroulée car le capot ne fermera pas et il faudra dérouler le toit une fois de plus et l’enrouler de nouveau… Un procédé qui peut prendre quelques minutes, surtout s’il pleut, comme vous le lirez plus tard.
Le RS Spyder est donc le dernier des mohicans.
Cette fois, sur les petites routes on s’autorise à élever le rythme. On découvre alors un châssis sans faille, le Spyder RS semble être comme sur un rail, un sentiment probablement renforcé par le moteur en position centrale arrière donnant un équilibre très appréciable à la découvrable. En entrée de virage les freins sont facile à doser avec un attaque direct typiquement Porsche et on utilise la boite pour faire un peu frein moteur avec une descente de rapport rapide et précise. La direction est précise et on sent le revêtement changer sous nos doigts et les pneus gratter le bitume, une expérience des sens dont on a plus l’habitude avec les EPAS. Dans le virage, aucune prise de roulis et on a l’impression que nous aurions pu passer 20 kilomètres heures plus vite tant les capacités du châssis semblent loin. En sortie, on fait confiance aux Michelin Sport Cup 2 en 295 à l’arrière pour faire passer la puissance. Le moteur atmosphérique prend des tours graduellement et les entrées d’air, à quelques centimètres de mes oreilles chantent les inspirations du Flat 6. On met alors plein gaz et le Spyder RS disparaît à l’horizon dans sa robe Bleu Gentiane.
Le plus impressionnant vient sûrement de l’équilibre parfait du châssis, plus intuitif qu’une 911, étant aussi aidé par le poids en baisse et des dimensions plus favorables rendant réellement très attachant ce Spyder RS. Mais pas besoin de pousser le Spyder RS dans ses retranchements pour profiter de ses attributs, même sur un filet de gaz on profite des 470Nm de couple. Le bruit semble avoir aussi été pensé pour ça. Nul besoin d’être entre 7000 et 9000 tr/min pour en profiter comme dans une GT3, ici même à 2000 tr/min en accélérant doucement sur le couple, les papillons s’ouvre en accordance avec l’angle de la pédale et on sent le moteur aspirer toute l’air autour de lui. Ce grondement, pas au goût de tous car très présent et très (voir trop parfois) bruyant donne pourtant une signature unique au Spyder RS et au GT4 RS, une bruit d’induction comme sur la M3 E46 CSL, ou la McLaren F1. Pour moi, c’est une façon encore plus intéressante que de jouer avec l’échappement, permettant de réduire le bruit à l’extérieur et donc le possible comportement antisocial de certains conducteurs de ce genre d’automobile tout en mettant l’accent sur un bruit plus mécanique et plus proche du cœur de la voiture.
Le RS Spyder semble donc jouer dans deux catégories, celle d’une voiture moderne, avec 275 litres de coffre, soit deux fois plus qu’une Porsche 911, avec une boîte automatique, une consommation presque raisonnable à 12l/100km et celle qui fait penser à son ancêtre, la 718 RS Spyder première du nom, avec ses 18 exemplaires construit entre 1959 et 1960, sans toit, une vraie voiture de course pour la route, comme c’était souvent le cas à l’époque. Sur la route c’est probablement le meilleur compromis entre facilité d’utilisation et idiosyncrasies afin de donner une voiture mémorable. Même le retour sur Paris, toit ouvert sur l’autoroute semble assez aisé, sans trop de vent venant perturbé le conducteur on peut même profiter de la sono Bose en option sur notre modèle d’essai. Pour le moment tout semblait se passer pour le mieux. Mais une fois arrivé sur Paris, quelques gouttes de pluie se font sentir. 30 secondes après c’est un déluge, je trouve un arbre pour m’abriter et mettre le toit en place. Évidemment, dans le feu de l’action j’oublie de verrouiller le toit sur la première partie et doit refaire tout le cheminement depuis le début. Dans ma bataille contre la pluie, des gens, bien au sec sous leurs parapluies venaient me parler “C’est le Spyder ?” “Super ce bleu sur la 718 !” “La prochaine sera électrique c’est ça ?”, moi, trempé me battant avec le toit de répondre “oui, oui”, tout en essayant de garder la face. Une fois le toit en place je repris mon trajet comme rien ne s’était passé à l’exception du chauffage mis sur la position la plus haute afin de sécher ma chemise. En arrivant à la maison je me dis que c’est aussi ça une voiture d’exception, une voiture où le conducteur doit faire des concessions. Nous sommes si habitués à la modernité des capotes électriques, des voitures suréquipées que nous oublions ces voitures faites pour la tranche la plus passionnée des passionnés d’automobile, ceux qui n’ont pas peur de se mouiller pour profiter au mieux du son d’un glorieux flat-6. Et puis, honnêtement, ce n’est que de l’eau.
En sortant de cette Spyder RS je ne peux que dire qu’elle est trop bonne pour mourir maintenant.
La RS Spyder marque la fin d’un chapitre de la vie de Porsche, un chapitre des plus importants. Ce n’est pas la fin d’une simple de génération comme l’ont célébré le Cayman R et Boxster Spyder dans les années 2010, mais la fin d’une architecture qui a forgé la marque de Stuttgart. En effet, la prochaine version de 718 sera électrique et probablement bien différente de l’actuelle. Je suis prêt à faire le grand saut mais en sortant de cette Spyder RS je ne peux que dire qu’elle est trop bonne pour mourir maintenant. La nouvelle version sera sûrement plus rapide, plus puissante, plus capable, probablement plus efficiente, bien plus moderne et plaira à plus de monde. Mais le son de l’admission, le toucher de la palette à 9000 tr/min, la direction hydraulique sont des choses qui laisseront probablement un vide. Contrairement à beaucoup de voitures, le RS Spyder, comme l’A110 par exemple, sont des voiture nées autour d’un moteur thermique dont la puissance et l’accélération ne sont pas en haut du cahier des charges mais le plaisir derrière le volant et le poids le sont, des choses plus compliqués à faire avec un moteur électrique. Lors de cette dernière danse je me rends compte qu’une fois de plus l’automobile est avant tout synonyme de diversité. Un EQS ou une Model S sont des voitures probablement encore plus impressionnantes techniquement et montrent que le futur sera probablement plus intéressant que le passé ne fut mais les voitures comme la RS Spyder laisseront probablement une marque indélébile dans l’histoire de l’automobile en étant le meilleur d’un type de voiture en voie de disparition.
Notes, mentions et conclusion :
Score : 84/100
Extérieur – 17/20
Intérieur – 17/20
Moteur – 18/20
Dynamisme & Sensations – 18/20
Confort & Praticité – 14/20
Le Spyder RS est le couronnement de la gamme 718 et le lettre de fin des Boxster tandis que son remplacement attendu pour l’année prochaine prendra la forme d’une sportive électrique, un marché jonché seulement par la MG Cyberster. Sur cette prochaine version, Porsche jouera son rôle d’innovateur en étant l’un des premiers à conquérir ce nouveau marché. Pour le moment, le Spyder RS fait partir Porsche en grande pompe des moteurs à combustion.
Merci à Porsche France et en particulier à Faisal, Axel et le personnel du Centre Porsche Levallois-Perret.